Les enjeux de la nouvelle PAC : mon interview dans Europaloire

EuropaLoire est la lettre d’information périodique du Mouvement Européen Loire. Association transpartisane, le Mouvement Européen rassemble des personnes ou organisations ayant pour point commun de s’engager en faveur de la construction européenne, dans une perspective fédéraliste. 

Le Mouvement Européen agit, depuis 1950, notamment pour faire vivre le débat sur les questions européennes et faire de la pédagogie sur les institutions, le fonctionnement et les grandes décisions de l’UE.

C’est dans cette perspective que j’ai accepté de répondre à leurs questions sur un dossier que je suis de près : la mise en œuvre de la nouvelle PAC 2023-2027. Vous trouverez cette interview dans ce n°18 d’EuropaLoire, numéro paru en ce tout début d’année qui s’ouvre avec la Présidence française de l’Union européenne.

INTEGRALITE DE L’INTERVIEW

  • Dans quelle mesure le Sénat est-il associé à l’élaboration des politiques européennes, et notamment de la PAC ?

Depuis la révision constitutionnelle de 2008, une commission chargée des affaires européennes (CAE) a été instituée au Sénat. Elle s’ajoute aux sept commissions permanentes, mais sans être compétente pour examiner les textes de loi, même ceux tendant à la ratification d’un traité européen ou à la transposition d’une directive.

Elle suit les travaux menés au sein de l’UE et contribue au contrôle de la politique européenne du Gouvernement. Suite au traité de Lisbonne, elle opère un « dialogue politique » avec la Commission européenne, élargi au contenu des documents adressés aux parlements nationaux.

Enfin, la CAE est saisie en première instance pour l’examen des propositions de résolution européenne (PPRE). La PPRE est une prise de position du Sénat, sans valeur juridique contraignante, sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne.

La PAC est particulièrement scrutée. Elle fait régulièrement l’objet de PPRE : cela a été notamment le cas durant toute la période d’élaboration de la nouvelle PAC.

  • Quelles sont les principales évolutions de la PAC ? Quelles conséquences possibles sur les approvisionnements ?

Le Parlement européen a adopté le 23 novembre dernier les trois rapports définissant la PAC : plans stratégiques, règlement horizontal et organisation commune des marchés.

Les plans stratégiques nationaux (PSN) sont la grande nouveauté de la PAC. A partir de 2023, chaque État membre devra mettre en place un PSN qui définira les modalités de mise en œuvre opérationnelle à leur échelle nationale, pour répondre aux 10 objectifs de cette nouvelle PAC. L’objectif est de permettre une déclinaison nationale plus adaptée à la situation de chaque pays, donc plus efficiente. Ainsi, notre Gouvernement projette de lutter, à travers ce nouvel outil, contre nos dépendances agricoles, notamment les protéines en provenance d’Amérique du Sud.

Mais cette subsidiarité accrue met en cause le « C » de PAC, car elle tend à renationaliser la politique agricole et à mettre les normes et les agricultures européennes en concurrence entre elles.

Autre nouveauté : les eco-régimes ou « eco-schemes » viennent remplacer le Paiement Vert. Leur mise en place répond à la volonté de la Commission européenne de verdir la PAC. Les paiements directs du 1er pilier se verront ainsi appliquer des exigences environnementales supplémentaires : prairies permanentes, 5% de surfaces d’intérêt environnemental (SIE), diversité des cultures.

Le rapport sur l’Organisation commune des marchés (porté par Éric Andrieu, député européen français), constitue un véritable progrès, qui permettra de mieux prévenir et gérer les crises agricoles. En outre, il renforce les pouvoirs de la Commission pour réguler les marchés, notamment grâce à la création d’observatoires qui suivront les prix et les marges dans les différentes filières ainsi que le niveau des stocks alimentaires. De nouvelles dérogations ont été obtenues au droit de la concurrence afin de permettre aux agriculteurs de mieux s’organiser afin d’avoir un revenu plus équitable.

Une bonne nouvelle pour la qualité de nos approvisionnements : la Commission pourra enfin empêcher l’importation de produits qui contiennent des résidus de pesticides dont l’usage est interdit en Europe.

  • Quels sont, selon vous, les impacts des actions de l’Union Européenne dans l’évolution de l’agriculture en Europe, et plus spécifiquement en France ?

Créée par le traité de Rome en 1957, et mise en place en 1962, la PAC a d’abord eu comme objectif principal d’accroître la productivité de l’agriculture dans l’Europe d’après-guerre. Ainsi, les PAC des dernières décennies ont surtout été orientées vers un soutien aux surfaces et aux volumes de production. Elles ont ainsi conduit à la disparition de nombreux paysans et à la spécialisation des territoires.

Il serait souhaitable désormais qu’elle s’oriente vers d’autres priorités : la relocalisation, la souveraineté alimentaire et la transition agroécologique. Le plafonnement des aides (même si trop timide) est un premier pas encourageant pour soutenir de plus petites exploitations, qui ont des retombées positives en termes d’emploi, d’accès à une alimentation de qualité et de proximité, et de préservation des ressources naturelles sur nos territoires.

  • Quels sont les avantages et les inconvénients d’une politique agricole conduite au niveau européen ?

Première politique européenne intégrée, avec un budget propre, elle met en œuvre une véritable solidarité financière entre les Etats membres pour garantir que chacun puisse atteindre ses objectifs. A la sortie de la Seconde guerre mondiale, la PAC a permis d’assurer la sécurité alimentaire aux populations des Etats membres, à des prix abordables, tout en assurant aux agriculteurs un revenu pour vivre. Plus récemment, suite à l’élargissement de l’UE aux pays de l’est, elle a permis que ceux-ci rattrapent plus rapidement leur retard.

Même si elle est perfectible, le fait même que cette politique intégrée existe démontre ce que l’UE peut faire concrètement pour une convergence vers le haut des niveaux de vie et des conditions de travail des citoyens européens. Je suis de ceux qui plaident pour que son modèle soit étendu à d’autres politiques, notamment en matière sociale et économique.

  • La nouvelle PAC fait l’objet de critiques de la part de ceux qui estiment qu’elle n’est pas « verte » et pas en cohérence avec les ambitions du « Green Deal ». Qu’en pensez-vous ?

Dotée d’un budget de près de 60 milliards d’euros, soit près d’un tiers du budget de l’Union européenne, la PAC pourrait être le vrai fer de lance d’une action d’ampleur de l’UE contre le dérèglement climatique et pour défendre la biodiversité. En renvoyant à chaque État membre, à travers les PSN et les eco-schemes, le niveau d’ambition et les règles opérationnelles, l’UE se prive malheureusement d’une capacité d’intervention à grande échelle.

C’est d’autant plus regrettable que plusieurs des objectifs de cette nouvelle PAC vont vraiment dans le bon sens : « agir contre le changement climatique » ; « protéger les ressources naturelles dans un objectif de développement durable » ; « préserver les paysages et la biodiversité » ; « garantir la qualité des denrées alimentaires et la santé en réponse aux attentes de la société ».

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